Rencontre avec Adèle Lafargue, comédienne et cofondatrice du Collectif Les Risiens
Paris est une ville de théâtre, et parmi les jeunes talents qui font vibrer la scène parisienne, on retrouve Adèle Lafargue. Jeune comédienne de 24 ans originaire de Touraine, Adèle est déterminée à contribuer à la création d’un théâtre qui soit pertinent pour toutes les générations. C’est ainsi qu’en 2023, elle cofonde le Collectif Les Risiens pour partager leurs 5 créations, et leurs réflexions à travers interprétation et réinterprétation sur les planches.
Comment t’es-tu mise au théâtre ?
J’ai toujours voulu jouer mais ai toujours été terrifiée. En 2020, alors que j’étais en échange au Chili, ma mère m’a appelée pour m’annoncer qu’elle m’avait inscrite à un stage d’été du Cours Florent à Paris. J’étais aussi enjouée qu’angoissée, et le stage s’est en fait déroulé très naturellement ; je n’ai eu aucun mal à me sentir à ma place au plateau. J’ai ensuite intégré l’école et suivi un cursus théâtre de trois ans. Peut-être que si ma mère ne m’avait pas inscrite à ce stage, je n’aurais jamais suivi ce désir de jeu qui m’animait depuis petite…
Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir comédienne ?
Je suis allée voir Art de Yasmina Reza au théâtre Antoine avec ma famille lorsque j’étais plus jeune, et Jean-Pierre Darroussin a joué le -long- monologue d’Yvan d’une traite, sans s’arrêter, imposant un silence au public après une apnée collective. Je me souviens avoir été très émue par cet instant de théâtre et m’être juré de faire pareil “quand je serai grande” (j’avais déjà 18 ans mais pas la moindre idée de ce à quoi la suite de ma vie ressemblerait).
Tu as étudié au Cours Florent, une école de théâtre prestigieuse. Comment as-tu vécu cette expérience ?
Ce que je retiens de l’école, au-delà de l’enseignement du jeu que j’y ai reçu, ce sont les rencontres que j’y ai faites. Professeur.e.s comme jeunes acteur.ice.s, c’est à l’école que j’ai rencontré les personnes avec qui je travaille aujourd’hui et aux côtés de qui je construis le théâtre dans lequel je souhaite évoluer avec elle.eux.
Quels sont tes projets actuellement et dans lesquels aimerais-tu te lancer ?
Début 2023, j’ai cofondé le collectif Les Risiens avec Killian Seban. Mon ambition actuellement est de faire grandir ce collectif, de pouvoir jouer nos pièces et d’en créer de nouvelles, avec pour but de rendre le théâtre davantage accessible.
J’aimerais aussi beaucoup tourner dans des courts et longs métrages au cinéma, mais n’ai pas suffisamment de temps à consacrer à la recherche de castings pour l’instant.
Quelle est la chose la plus importante que tu aies apprise dans ton parcours de comédienne ?
Mon parcours de comédienne vient à peine de commencer en réalité. Mais j’ai appris que ce que je désirais plus que tout était de travailler collectivement ; qu’on ne construit rien seul.e, même si la construction collective est souvent laborieuse.
D’autre part je crois que j’ai appris qu’en tant qu’artiste, on évolue constamment dans nos convictions, nos goûts et nos ambitions artistiques. Chaque année qui passe depuis que j’ai commencé le théâtre, je souris avec affection en repensant à celle que j’étais l’année précédente, à ce que j’aimais, ce en quoi je croyais et ce à quoi j’aspirais.
J’ai aussi acquis énormément de compétences par moi même. Créer Les Risiens m’a demandé d’acquérir beaucoup de qualités liées à la gestion administrative d’une association, à la diffusion de spectacles, aux relations presse… Nous n’avons reçu aucun accompagnement à ce sujet à l’école, et j’ai donc dû apprendre de mes erreurs, en faisant. Ce sont des difficultés dont je tire aujourd’hui beaucoup de satisfaction, en prenant du recul sur la quantité de choses que j’ai appris à faire en quelques mois seulement.
Peux-tu nous présenter le Collectif des Risiens ?
Les Risiens est un collectif de théâtre, mais pas que. Nous sommes à ce jour 45 membres et avons 5 créations très variées (1 spectacle jeunesse, 1 farce brésilienne, 1 spectacle d’impro, 1 écriture originale et 1 autre en cours d’écriture). Nous travaillons à construire un théâtre “populaire, exigeant et novateur”, globalement plus accessible, et ce grâce à des ambitions artistiques, sociales et pédagogiques.
Quelles sont les thématiques que vous abordez dans vos spectacles ?
Elles sont extrêmement variées. D’un spectacle à un autre, le public peut traverser des thématiques universelles ; être saisi par des réflexions à propos du monde ; passer d’une scène réaliste dans Montée aux calvaires à des séquences oniriques improvisées dans Histoires Filantes ; découvrir une écriture ou redécouvrir un classique… L’idée est vraiment d’avoir une diversité dans les créations qui soit une véritable richesse.
Actuellement, nous travaillons avec quelques autres risien.ne.s à l’écriture d’une nouvelle pièce qui traitera sous des formes diverses de sujets de société actuels, mêlant nos opinions personnelles à un travail de recherches important. Il nous semble essentiel d’utiliser l’art comme moyen d’expression, d’ouvrir à la réflexion sur le monde dans lequel on vit, sans pour autant basculer dans un théâtre culpabilisant. Je crois que la parole d’un.e comédien.ne peut être profondément politique, et c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles je veux être comédienne.
D’ailleurs, qu’est-ce que tu aimes le plus dans l’improvisation ?
Il faut savoir que je joue dans un spectacle intégralement improvisé, mais que cette discipline est absolument terrifiante pour moi. Il m’arrive à certaines répétitions – oui, l’improvisation nécessite tout de même des sessions de travail – d’être tétanisée dans un coin du plateau, incapable d’y mettre un pied tant la peur du ridicule est grande. Mais une fois cette peur dépassée, la joie d’être ensemble, de créer à plusieurs une histoire qui évolue à mesure que les idées se rencontrent est incommensurable. “Histoires Filantes”, notre spectacle d’improvisation, c’est ça : 24 comédien.ne.s qui se redécouvrent sans cesse au plateau et créent une histoire chaque fois différente. Je dirais que ce que j’aime le plus, c’est être au théâtre devant une salle pleine, sans avoir aucune idée du spectacle que nous allons jouer.
Quels en sont les défis ?
L’improvisation (hors spectacle, où une certaine magie opère), c’est davantage de ratés que de bonnes scènes. Le défi principal, c’est donc d’accepter d’être souvent mauvais.e pour être parfois bon.ne.
Quels sont les projets du collectif pour l’avenir ?
Nos projets sont nombreux et beaucoup sont en cours de développement. Mais pour ne citer que certaines de nos ambitions : jouer dans des espaces publics, créer notre festival, proposer des ateliers d’improvisation et d’art dramatique dans des structures publiques et privées (hôpitaux, milieu carcéral, foyers pour enfants…), ramener au théâtre des publics qui n’y vont pas ou plus…
Quels conseils donnerais-tu à un.e jeune comédien.e qui souhaite se lancer dans le théâtre et l’improvisation ?
FONCE. Ça fait peur, mais qu’est-ce que c’est riche. L’écoute, la force de proposition et de construction de situation que l’on développe en impro ne peuvent qu’être bénéfiques pour les comédien.ne.s.
Adèle et les Risiens sont à retrouver dans Montée aux Calvaires tous les vendredis soirs à 21h au Théâtre Darius Milhaud, Paris XIXe. Jusqu’au 26 janvier 2024.
Propos recueillis par Louise Raimbault
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